
Tu es entré dans ma vie, par
une porte dérobée sans que ma vigilance ne t'ait vu arriver. Tu t'es collé
à mon souffle, instillant ta présence lentement, par étapes successives te rendant
invisible pour ne pas me déranger dans ce que je faisais.
M'habituant à toi, sans te voir ni pouvoir te toucher dans cette discrétion
qui est tienne, je poursuivais mon chemin, au gré des sinuosités que celui-ci
me dévoilait au fil de ce temps passant d'un âge à l'autre, perle d'un chapelet
sans cesse renouvelé.
Ta discrétion, certains l'auraient qualifiée de sournoise, d'intriguante faite
de porosités diluant insidieusement le danger de ton baiser. De ta force, avec
patience, tu tissais ta toile d'un fil ligotant pour rendre prisonnier de ta
puissance dont tu te savais en sûreté.
Investissant les lieux, sans mots dire ou si peu perceptibles qu'ils restaient
inaudibles, tu répandais ton parfum, perfide prolifique obligeant à te laisser
place, peut-être faudrait-il dire à te céder la place, sans même que tu n'aies
à la réclamer, elle te revenait de droit. Jour après jour, au gré des ans s'évanouissant
une fois assouvis de leurs nécessités, tu grandissais en maturité, ralentissant
mon souffle au rythme du tien, tarissant mes désirs pour laisser l'expression
des tiens.
Mélancoliques pensées ramifiées à cette destinée où tu souhaitais m'emporter,
règne d'un monde autre supposé embelli, tu faisais croire à une certitude inamovible,
portant à l 'ironie comblée l'artificielle saveur d'un mieux-être futuriste
dont toi-même ne détiens le sel de la plénitude. Ton humeur farceuse, querelleuse
mélangeait les états spirituels de la vanité paresseuse pour les corser de résistance
amollie, moelle substantielle de ta persévérance dans cet accomplissement ultime
auquel tu te consacrais avec prodigalité pour me guider avec la sûreté d'un
métronome marchant au pas cadencé vers une destination d'un après inconnu.
Ne doutant pas de ton efficacité, dans ta lumière tamisée de pénombre crépusculaire,
tu tentais de me fourvoyer, ôtant grain par grain les poussières velléitaires
qui me taraudaient encore pour, sans le savoir, te contrer.
Par surprise, un jour ton œuvre, efficace, apparut au grand jour, comme à la
lumière d 'un film où se révélait l'opacité où tu t'étais dissimulé, ton
ombre assombrissant le cliché. L'œil redevenait alerte, il te percevait sans
le masque que tu avais enfilé pour travestir le clair obscur de ton intime présence.
Mis à nu, découvert à la face éclatante de la vision
éclairée, il faut désormais trancher, chère amie, ma lady où le poids des maux
instaurés n'a eu comme égal que le poids de mots que tu as véhiculés en vers,
veine perdue dans l'inégalité ignorante et profane.
Redeviens donc, s'il le faut par impérieuse obligation, une compagne silencieuse
sur laquelle méditer s'inscrit comme un exercice salvateur.