Lorsque se produit un évènement touchant à
l'intime, aux valeurs ou à l'identité personnelles ou dans les cas de faits
à consonance collective, l'émotion se diffuse comme le coup de fouet, retentissant
intérieurement à travers chaque cellule du corps et de l'esprit.
Diverses réactions se manifestent après le choc, chacune cherchant à exorciser
la portée du sentiment généré. Ainsi peut-il être vécu seul, dans l'écorchure
qu'il a laissé ou bien en réunion, publiquement rejoignant dans cette marche
l'idée de force pour vaincre la peur, afficher sa puissance, sa révolte pour
dire non. Ce n'est point l'évènement qui est réfuté mais ce qu'il exprime.
L'émotion vécue en solitaire oblige à tenir compte d'un certain nombre d'éléments,
une prudence s'installe dans la conscience, se mêlant aux raisonnements qui
se font pas à pas. L'attitude s'inscrit dans une démarche de compréhension
du "pourquoi est-ce arrivé". Juste comportement qui tend à admettre la réalité,
qui vit l'état émotionnel sans le rejeter sans être aveugle des questionnements
l'ayant motivé.
La manifestation en foule participe d'une autre nature. Certes, il y a au
plus fort sans doute un rejet et du dégoût. Toutefois, plus le rassemblement
de personnes est important, au plus les individus ont tendance à être manipulés
à des fins qui sont souvent fort éloignées du chagrin et de la souffrance
sincères de la plus grande part. Le témoignage accompli collectivement
ne permet pas de prendre toute la mesure de la circonstance, il s'exprime
dans un langage unifié où n'apparaît que le rejet de l'évènement et du heurt
qu'il a produit. Il excuse et accuse à tort ou à raison, peu importe, il
cherche à se libérer de l'atteinte à l'affect. Ce n'est que bien après,
quand chacun est rentré chez soi, et avec encore du temps pour que l'esprit
se défasse du souvenir de la manifestation que la pensée réfléchie peut retrouver
une place, pas encore la première pour une analyse incluant tous les paramètres.
La foule est porteuse d'un message unique, scandé et repris de bouches en
bouches autant pour se faire entendre que d'être entendu, de se voir reconnu
dans la participation générale, pour trouver ou creuser sa place par groupe
ou individuellement. Guidance des esprits vers une unité de valeurs, plus
rarement de sentiments par les meneurs, la mobilisation sert les intérêts
personnels de ceux cherchant à se faire voir et être vus. La foule, prête
à suivre, s'intègre à perpétuer l'évènement par diverses méthodes, l'universalité,
la reconnaissance des élus, de la nation en renfort de médias poussant jusqu'à
l'indécence de la douleur réelle offerte en pâture dans un scoop permanent.
Mais, vient le temps où la réalité de la vie qui continue reprend sa place,
au premier rang, temps favorable à mieux mesurer la ou les conséquences immédiates
de l'amplitude donnée. Restera à voir celles qui viendront ensuite, avec
un peu plus de temps.
Devant la souffrance née de la violence,
devant le deuil, il est dit que le silence et la prière sont plus efficaces
que des milliers de mots et de gestes réunis.